• LE MONDE MAGAZINE | 02.04.2010

    Dès l'école, on nous apprend à analyser les textes, à décrypter leurs enjeux, leurs non-dits. Chacun sait qu'un discours n'est jamais neutre, qu'il charrie des idées, voire de l'idéologie. Pour ce qui est des images, en revanche, personne ne nous a enseigné à poser sur elles un regard critique.

    Dans un bel essai intitulé Le Pouvoir esthétique (Ed. Manucius, 140 p., 15 €), la philosophe Baldine Saint Girons souligne d'ailleurs que cette absence d'éducation nous " livre, pieds et poings liés, aux apparences, aux images et à ceux qui les manipulent ". Face aux manipulateurs en question, nous nous trouvons désarmés.

    De cette distorsion entre vigilance textuelle et complaisance visuelle, la récente "affaire Zemmour" offre un bel exemple. On s'est indigné des propos tenus par le journaliste dans l'émission "Salut les Terriens", sur Canal+, mais bien peu ont dénoncé la façon dont ce "dérapage" a été mis en scène par Thierry Ardisson.

    Surtout, alors qu'on a cité les nombreuses provocations qu'Eric Zemmour a égrenées dans le passé, personne n'est venu rappeler qu'Ardisson, lui, a toujours été le roi du dérapage planifié : année après année, c'est de façon parfaitement maîtrisée qu'il orchestre le grand show du prétendu "politiquement incorrect". Le multirécidiviste, c'est lui.

    Quelques belles âmes se sont donc émues qu'un animateur de télévision ait pu laisser dire de telles choses sans réagir. Or la marque de fabrique des talk-shows façon Ardisson, c'est justement que le maître de cérémonie n'y "laisse" rien au hasard : loin de la spontanéité et de la liberté qu'il revendique, ses émissions se distinguent par une technique de montage implacable. Nulle improvisation, zéro happening : les séquences qui sont données à voir, l'animateur les a sélectionnées. Mieux : il les met en valeur par des rictus entendus et des mines suggestives.

    C'est le cas, aujourd'hui, quand Zemmour affirme que "la plupart des trafiquants sont noirs et arabes", et qu'on aperçoit l'animateur prenant un air d'indignation gourmande, l'air de dire "Hou, la, la ! Comme il y va...". Mais c'était le cas aussi, naguère, sur le plateau de "Tout le monde en parle", l'émission qu'Ardisson animait sur France 2 jusqu'en 2006.

    A l'époque, il propulsait Thierry Meyssan, l'homme qui nie la réalité des attentats du 11-Septembre, sur le devant de la scène médiatique (émission du 16 mars 2002). Il installait Dieudonné dans le rôle du grand réprouvé, de l'artiste maudit, l'orientant sur le chemin du délire paranoïaque et lui faisant répéter jusqu'à la nausée ses formules les plus antisémites (11 décembre 2004). Il proposait une interview baptisée "Fin de phrase", au cours de laquelle un invité devait compléter les propos que lui-même ne faisait qu'amorcer : "Le vrai problème, avec les Juifs, aujourd'hui, c'est…", "On dit que les Arabes sont des voleurs, c'est faux…", "Je rêve d'une France nettoyée de… " (25 juin 2005). Bref, au milieu des paillettes et dans l'éblouissement des projecteurs, Ardisson faisait du frisson raciste et antisémite, mais aussi sexiste ou homophobe, le véritable clou de son spectacle. En toute impunité.

    Voilà pourquoi il faut savoir gré à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) d'avoir mis en ligne les archives de "Tout le monde en parle". Il y a là un matériau exceptionnel. En s'y plongeant, chacun peut s'entraîner à déjouer la perversion des images, et d'abord l'illusion du faux direct. Parce que Ardisson est passé maître en la matière, je vous recommande d'aller y voir. Exercez-vous à repérer telle coupe grossière, tel recadrage démagogique, tel tour de passe-passe idéologique. Bien sûr, ce n'est pas facile. Au début, vous serez un peu isolés. Vos amis vous demanderont : pourquoi perdre ton temps avec de telles vulgarités ? Vous n'aurez qu'à leur répondre ceci : quand la vulgarité est au pouvoir, il est temps de la prendre au sérieux.


    votre commentaire
  • La Dépêche du Midi

    La candidate britannique a donc à la fois rechanté et pas rechanté. Encore bravo La Dépêche du Midi (13/05/18) pour la précision de vos informations.


    votre commentaire

  • votre commentaire
  • D'après France Inter, Mitterrand nous parle depuis l'au-delà:


    votre commentaire
  • Chronique de Daniel Schneidermann à propose de l'interview de Julien Denormandie par Léa Salamé (30/01/18), où il avait déclaré qu'il y avait 50 SDF en Ile-de-France:

    Léa Salamé

     

    http://www.liberation.fr/debats/2018/02/25/julien-denormandie-et-autres-extraterrestres_1632229


    votre commentaire
  • Etant si fortunés, M. Niel et Pigasse devraient investir dans un bon correcteur orthographique (ou carrément embaucher un correcteur humain!) car l'actuel ne fait pas la différence entre les verbes baisser et baiser. La preuve:

     

    http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/02/25/plainte-pour-abus-de-faiblesse-contre-gerald-darmanin-la-plaignante-livre-son-temoignage_5262411_823448.html


    votre commentaire
  • Ce soir lors du journal de France 2, reportage un sujet essentiel : la vente de yaourts en supermarchés. TF1 se devait de répliquer  immédiatement avec un reportage sur une actualité « brûlante » : la vente de tisanes en supermarché. Attention aux rédactions de ces deux chaînes : tant d’impertinence, et disons-le, de courage cela va vous créer des ennuis…

    Le courage des journalistes

    Le courage des journalistes


    votre commentaire
  • Unes de Libé


    votre commentaire
  • Séduction apocalyptique de l’attentat

    Par Marcela Iacub — 6 janvier 2017 à 17:26

    Les médias entretiennent la peur du terrorisme alors qu’on a bien plus de risques de mourir chez soi ou d’être renversé par un chauffard…

    http://www.liberation.fr/debats/2017/01/06/seduction-apocalyptique-de-l-attentat_1539597

    Le terrorisme n’est pas seulement une bombe qui explose ou un camion qui s’abat sur une foule ou un fusil d’assaut qui décime des personnes se trouvant par hasard (ou par nécessité) quelque part. Il n’est pas seulement l’idéologie au nom de laquelle ces bombes, ces camions, ces fusils d’assaut tuent des victimes innocentes ainsi que les auteurs des attentats. Le terrorisme est aussi la manière dont les médias en parlent. Car s’il y a quelque chose que ces derniers font très bien - et parfois bien malgré eux -, c’est d’interpréter ces événements comme les terroristes veulent qu’ils soient perçus.

    En effet, les jihadistes voudraient que nous ayons peur de sortir, d’aller au cinéma, au restaurant ou que nos proches le fassent pour ne pas être tués dans un attentat. Pourtant le risque que nous courons de mourir est beaucoup plus élevé si nous restons chez nous ou si nous rencontrons des personnes que nous connaissons. Je ne fais pas seulement allusion aux dangers d’écourter notre existence par un vulgaire accident domestique, mais aussi et surtout à celui d’être victime d’un meurtre.

    On sait que ces crimes sont commis dans leur majorité entre des gens qui se connaissent. En effet, il est beaucoup plus probable d’être tué par son conjoint, par ses parents, par ses voisins, par ses collègues de travail que par un terroriste. Et le risque que nous avons de mourir augmente d’un cran si, au lieu de rester chez nous, ou entre nous, nous prenons une voiture pour partir en week-end ou pour aller faire la fête.

    Et il est encore plus élevé si les hasards de la vie nous plongent dans une dépression sévère qui nous contraint, tel un assassin, à nous donner la mort. Or, au lieu de nous mettre en garde contre les incendies, les courts-circuits, les colères de notre conjoint, les dépressions ou les chauffards, les médias nous poussent à penser jour et nuit aux risques que nous courons de mourir dans un attentat. L’intérêt de Terreur, l’essai que Yann Moix vient de publier chez Grasset, est qu’il déconstruit - même s’il n’est pas forcément conscient de ce qu’il fait, mais qu’importent les intentions face aux résultats ! - cette philosophie implicite des médias. En effet, on y trouve les phrases et les pensées sur le terrorisme que de nombreux journalistes n’osent pas prononcer, mais qui résultent de leur manière d’informer. «Vivre avec le terrorisme […], c’est borner la vie à la mort, c’est limiter l’horizon de la vie à la mort […], c’est ramener l’immédiateté de vivre à la permanente proposition de mourir», écrit Yann Moix. «Le terrorisme transforme la réalité en effroi», «le terroriste contamine la réalité. Les fleurs, la lumière sont contaminées par l’acte qu’il vient de commettre», poursuit-il. Ce livre nous permet de comprendre que plus les médias parlent des attentats de façon monomaniaque et paranoïaque, plus le risque augmente qu’un individu sorte son fusil d’assaut, son camion ou son couteau. Les médias peuvent faire croire aux plus fragiles qu’en commettant un attentat, ils peuvent atteindre une gloire éternelle, conséquence de leur célébrité planétaire.

    Certes, il faut que ces personnes meurent pour y arriver. Mais l’idée qu’ils se font de leur gloire post mortem est si excitante que ce temps qui sépare leur décision de mourir du passage à l’acte devient merveilleux. Le fait que cette période soit courte n’a, au fond, pas la moindre importance. Surtout quand elles sont jeunes, de nombreuses personnes préfèrent une brève plénitude à une longue médiocrité. D’une certaine façon, les médias les confortent dans leur décision. Si le gouvernement veut vraiment vaincre le terrorisme, il doit aussi «faire la guerre» aux journalistes.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique