• Les incendies en Russie posent un danger nucléaire, explique un expert

    PARIS — Les incendies en Russie peuvent rendre dangereux plusieurs sites nucléaires, notamment s'ils bloquent leur alimentation électrique, avertit Roland Desbordes, président de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité).

    Q: Les incendies en Russie menacent au moins trois sites nucléaires, Maïak, Snejinsk et Sarov. Quel danger cela représente-t-il ?

    R: Les autorités russes disent avoir évacué les armes nucléaires, ce qui est relativement facile, car elles sont mobiles. Mais qu'en est-il des déchets nucléaires, des matériaux radioactifs entreposés dans des cuves, piscines ou fosses plus ou moins sécurisés ?

    Un incendie, en détruisant des lignes de haute tension, peut interrompre l'alimentation électrique d'un site, mettant en péril son système de refroidissement. Des groupes électrogènes doivent alors prendre le relais, mais peuvent-ils résister à un incendie? Le risque incendie dans les centrales nucléaires est généralement évalué par anticipation d'un feu qui vient de l'intérieur, plutôt que de l'extérieur.

    Il existe aussi le risque de démarrer une réaction en chaîne non contrôlée, si on ne respecte pas des règles de répartition des matières fissiles. Ça s'est passé à Tokaï-Mura au Japon, avec de faibles quantités de matières nucléaires. Or en Russie, il s'agit de sites de production quasi industrielle.

    C'est difficile d'évaluer le risque, car on ne connaît pas les quantités de matières nucléaires, les conditions dans lesquelles elles sont stockées.

    Si le système de refroidissement d'une cuve tombe en panne, on peut avoir un accident très grave. L'explosion d'une cuve de stockage de déchets hautement radioactifs, justement à Maïak en 1957, a provoqué le plus grave accident sur un site nucléaire en dehors de Tchernobyl: les cultures ont été interdites sur plus de 100.000 hectares, des centaines de milliers de personnes contaminées et une trentaine de villages rasés.

    Q: Ces sites sont-ils sûrs?

    R: On ne sait que ce que la Russie veut bien dire sur ces installations : il existe sur son territoire quantité de sites nucléaires auxquels les étrangers n'ont pas accès. D'ailleurs, on a découvert l'existence de Sarov à la fin des années 80, quand les Soviétiques ont publié des statistiques sur les ordures ménagères. On y trouvait les déchets ménagers d'une ville de 80.000 habitants, alors qu'il n'y avait rien sur la carte!

    Q: Y a-t-il un risque de dispersion de particules radioactives?

    R: L'an dernier la Criirad s'est rendue dans les environs de Maïak. Tout l'environnement, même éloigné du site, est encore hautement contaminé. Un incendie pourrait remettre en suspension dans l'air les particules radioactives contenues dans la terre et les arbres. Leur altitude et la direction des vents détermineraient jusqu'où elles pourraient retomber. On ne peut pas dire que le risque qu'elles touchent la France est nul. Il n'y a pas de raison de s'alarmer, mais il faut être vigilant.

    Propos recueillis par Catherine Fay de Lestra (AFP)


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  • Dans le nord du Groenland, un bloc de glace de plus de deux fois la taille de Paris s'est détaché d'un glacier polaire, le glacier Petermann, situé à environ 1000 km au sud du Pôle Nord.

    Le détachement de l'iceberg a fait perdre à peu près un quart de sa taille au glacier Petermann qui mesure 70 kilomètres de long. La NASA a pu obtenir des images satellitaires.

    L'Arctique n'avait pas perdu une telle masse de glace depuis 1962, d'après Andreas Muenchow, professeur à l'université de Delaware (côte Est des États-Unis).

    L'eau douce contenue dans cet iceberg pourrait «alimenter l'ensemble du réseau public d'eau potable américain pendant 120 jours», poursuit le chercheur américain.

    La calotte glaciaire du Groenland est le plus grand réservoir d'eau douce de l'hémisphère Nord.

    Quantifier les variations de volume de la banquise et des calottes glaciaires est la mission du satellite européen Cryosat-2 de l'ESA lancé en avril 2010.


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  • Le constitutionnaliste Olivier Duhamel et quatre autres signataires lancent un appel solennel après les déclarations de Nicolas Sarkozy stigmatisant les Français «d'origine étrangère». Ils appellent le Président de la République «à apprendre les leçons du passé et à renoncer sans attendre à la mise en œuvre d'une régression aussi contraire aux principes fondamentaux de la République».

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    Nous sommes tous français quelle que soit notre origine. Et la plupart des Français ont, d'une façon ou d'une autre, une origine étrangère.

    Nous sommes membres d'une nation qui, selon l'article 1er de sa Constitution, «assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion». Nous sommes citoyens d'une république qui refuse de discriminer les Français selon leur origine, quelle qu'elle soit. Nous appartenons à un peuple qui, en proclamant solennellement son attachement aux droits de l'homme, se souvient que cette sélection entre Français selon l'origine fut celle du régime raciste de Vichy.

    Le premier des pouvoirs et des devoirs du président de la République française est de veiller au respect de la Constitution, et donc de ces principes. Or Nicolas Sarkozy a déclaré publiquement, à Grenoble, le 30 juillet, que «la nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police, d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique».

    Si cette intention devenait réalité, elle instaurerait deux catégories de Français, ruinant le principe d'égalité devant la loi et créant une nationalité conditionnelle pour les Français d'origine étrangère. Rien ne saurait justifier que l'on commette de telles atteintes à  l'unité de notre communauté nationale et à la tradition républicaine, telles qu'elles sont définies par notre Constitution.

    Nous ne savons pas si et jusqu'où ces atteintes pourraient s'étendre dans l'avenir. Nous serions entièrement solidaires de tout «Français d'origine étrangère» qui serait victime d'une telle discrimination. D'ores et déjà, nous appelons le Président de la République à apprendre les leçons du passé et à renoncer sans attendre à la mise en œuvre d'une régression aussi contraire aux principes fondamentaux de la République.

    SIGNER LA PETITION


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  • En Russie, le feu approche de sites à risques

    Le Figaro

    Les 600 feux de forêts et de tourbières ont fait 50 morts et détruit 2000 habitations. Les autorités tentent de protéger les sites militaires menacés.

    Des dépôts de munitions ont été évacués dans les environs de Moscou. Une région irradiée au moment de l'explosion de Tchernobyl est également sous surveillance, notamment française.

    L'inquiétude n'en finit plus de grandir en Russie, où les températures particulièrement élevées cet été favorisent les incendies qui ont déjà fait 50 morts et détruits 2000 maisons. Jeudi, c'est autour de dépôts de munitions et d'un site nucléaire que l'attention s'est cristallisée.

    Menacés par le feu, particulièrement actif dans l'ouest du pays, des dépôts de munitions d'artillerie et de missiles situés à 70 km au sud-ouest de Moscou ont ainsi été transférés «vers un endroit sûr», a déclaré un porte-parole du ministère russe de la Défense. Dmitri Medvedev avait ordonné la veille de renforcer la protection des sites stratégiques après l'incendie d'une base logistique militaire près de la capitale qui aurait détruit quelque 200 avions, selon des médias russes.

     

    L'IRSN reste vigilant

    L'aggravation de la situation dans le sud-ouest du pays fait aussi craindre que les incendies n'atteignent une région dont le sol et les végétaux ont été irradiés lors de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. «Si un incendie s'y déclarait, des substances radioactives pourraient s'envoler avec la fumée et une nouvelle zone polluée apparaîtrait», a averti le ministre des Situations d'urgence Sergueï Choïgou, précisant que la zone était «surveillée attentivement».

    La France est elle aussi en état de vigilance face à cette possibilité. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a annoncé jeudi qu'il allait mesurer avec une «attention toute particulière» les particules qui pourraient atteindre l'Hexagone à la suite des incendies. L'institut précise dans un communiqué qu'il «pourra disposer dans quelques semaines des résultats de mesure» en cours, et assure qu'il les présentera « dès qu'ils seront disponibles». «En tout état de cause, les niveaux d'activité susceptibles d'être observés en France à la suite de tels phénomènes ne sont pas de nature à provoquer une inquiétude d'ordre sanitaire», précise toutefois l'IRSN.

    La situation semblait en revanche «stabilisée» aux environs du centre nucléaire de Sarov (région de Nijni Novgorod, à 500 km à l'est de Moscou), d'où les autorités ont affirmé mercredi avoir évacué les matières fissiles et explosives.

     

    Les exportations de blé interdites

    Le bilan des pertes humaines est passé jeudi de 48 à 50 morts après la découverte d'un corps dans une maison calcinée dans la région de Nijni Novgorod et le décès d'une autre victime dans un hôpital de la région de Voronej (500 km au sud-est).

    En raison de la sécheresse qui entraîne une énorme perte pour les récoltes, le premier ministre Vladimir Poutine a par ailleurs interdit les exportations de céréales jusqu'à la fin de l'année. La Russie est le troisième exportateur mondial de céréales, et les difficultés de son agriculture ont déjà contribué à une flambée des cours du blé sur les marchés mondiaux.

    De son côté, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, a chargé le gouvernement régional de renforcer les mesures de sécurité anti-feu, après plusieurs incendies importants, et un feu de forêt dans un vaste parc de la capitale.

    Au total 162.000 personnes sont mobilisées pour combattre les 600 feux qui embrasent le pays. Nicolas Sarkozy a annoncé jeudi que les autorités françaises «se tenaient prêtes à répondre à toute demande d'assistance», selon un communiqué de l'Elysée. La France dispose d'avions bombardiers d'eau, tout comme l'Italie qui a déjà dépêché deux Canadair en Russie.


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  • Enercoop, l'énergie verte, s'installe à contre-courant dans la région

    La voix du nord

    Héléna est cliente à Lille. Rien ne change pour son compteur, seule sa facture échappe à EDF... PHOTO STÉPHANE MORTAGNE.

    S'éclairer et se chauffer sans EDF, c'est possible. L'opérateur historique a désormais des concurrents dont Enercoop, un réseau coopératif qui s'installe dans notre région pour garantir la fourniture d'une électricité 100 % renouvelable, non nucléaire et citoyenne.

    « Branchez-vous à l'écologie ! », dit le slogan. La coopérative s'approvisionne auprès d'une cinquantaine de petits producteurs indépendants d'électricité hydraulique, éolienne ou solaire photovoltaïque. Quand un client paie une facture de 100 euros, Enercoop achètepour100 euros d'énergie renouvelable. « Nous sommes les seuls en France à garantir une origine 100 % alternative directe au nucléaire, avec en prime une démarche citoyenne puisque chaque client peut devenir actionnaire du réseau », explique Guillaume Jourdain, son animateur pour la région.

    Il existe 33 millions de compteurs dans le pays et Enercoop ne recense pas moins de 6 000 consommateurs à son actif, c'est dire si EDF n'est pas encore sous haute tension. Pour autant, l'apparition de contre-systèmes révèle une tendance confirmée. Nous connaissions déjà Planète-Oui, un alternatif garantissant en région une énergie renouvelable par achat de certificats verts (www.planete-oui.fr).

    Enercoop va plus loin dans le registre militant. Locataire dans le Vieux-Lille, Héléna a quitté EDF « sans rien faire, simplement en remplissant un petit formulaire ». Pas de coupure, pas de relance d'EDF, c'est le même technicien d'ERDF qui passe relever le compteur, la filiale d'EDF ayant le monopole de la distribution du courant en France.

    Activement soutenu par le conseil régional, Enercoop passera sous statut de société au 1er janvier 2011, le réseau national étant à l'équilibre financier depuis 2009. Le surcoût d'un contrat Enercoop est d'environ 12 euros par mois, « compensé par la recherche d'économies d'énergie » d'après Guillaume Jourdain qui propose des devis gratuits pour évaluer le montant du surcoût par rapport à une facture EDF classique.

    Plus de 300 foyers ont déjà franchi le pas dans la région, l'ambition d'Enercoop étant de produire elle-même son électricité, sur des sites régionaux, afin d'encourager le circuit court et le lien citoyen de proximité. •

    PAR YANNICK BOUCHER


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  • Lima, quand l'eau est un luxe

    Très bon reportage d'Arte sur les problèmes de l'eau au Pérou, et notamment à Lima, la capitale

     


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  • Danielle aime la nature, la vie au grand air, la liberté. Cette Etats-Unienne originaire du Colorado a choisi de vivre en Alaska pour ces raisons. Etant donné les dimensions de cet état, le meilleur moyen de locomotion est l'avion. Danielle prend donc son avion comme d'autres prennent leur voiture. Il lui faut 5 minutes en avion pour rejoindre une colline où elle construit une cabane, dans un endroit sauvage, avec vue imprenable sur le Mont Mc Kinley, point culminant des Etats-Unis. Elle s'en sert aussi comme d'un taxi, pour transporter les touristes qui partent photographier les ours ou faire du rafting.

    Combien de litres de kérosène Danielle utilise-t-elle tous les jours pour continuer à mener cette vie au plus près de la nature ? Arrive-t-elle à faire le lien entre le mode de vie occidental (se faire plaisir au maximum quel qu'en soit le prix à payer pour la nature) et les changements climatiques qui commencent à bouleverser la biosphère et mettent en danger des populations entières ? (Vu sur Terre, France 5, mardi 3 août 2010)

    Cécile Duflot part elle en vacances aux Maldives.

    De même je connais nombre de personnes très sensibilisées aux questions environnementales, qui votent écolo, font leur courses chez Biocoop, sont membres d'une Amap...et pourtant n'arrivent pas à se passer de l'avion pour leurs vacances.

    On sait que les avions génèrent de multiples pollutions: rejets massifs de CO2, "cimetière d'avions" (par exemple en Arizona), nuisances sonores...et par extension les marées noires.

    Tout cela est désespérant...

    Prendre l'avion pour ses vacances révèle un certain statut social: "moi j'ai les moyens de passer mes vacances à des milliers de kilomètres de la métropole, par comme ces blaireaux de Français moyens qui s'entassent sur les plages"

    Si vous doutez encore de la réalité des changements climatiques, jetez un oeil à Sale temps pour la planète (France 5). Article de Télérama sur l'émission d'hier:

    Série documentaire (saison 4, 1/5) de Morad Aït-Habbouche et Hervé Corbière (France, 2010). 55 mn. Inédit.

    Les 600 km de rives entre Tuléar et Ambovombe, au sud-ouest de Madagascar, constituent la région la plus touchée par les changements climatiques. Agriculteurs, pêcheurs et éleveurs voient leur activité compliquée, ce qui ne fait qu'aggraver une vie déjà précaire. Pour pallier l'épuisement des nappes phréatiques, le Programme alimentaire mondial a mis en place des chantiers de construction de bassins de captage d'eau de pluie. En échange de leur participation, les Malgaches reçoivent des rations alimentaires. Le nord de l'île n'est pas plus épargné avec des cyclones et des tempêtes climatiques qui se multiplient, entraînant des inondations. Toutes les solutions sont bonnes pour faire face, comme l'implantation de nouvelles cultures.

    Du sable partout, jusque dans les maisons. Il ne cesse de gagner du terrain sur les côtes de Madagascar. Les pêcheurs doivent aller de plus en plus loin en mer dans des zones dangereuses, les agriculteurs cultivent dans le désert, et les nappes phréatiques s'épuisent, rendant l'accès à l'eau potable quasiment impossible. Loin des clichés touristiques, les plages paradisiaques de la Grande Ile se transforment en enfer pour les habitants, qui vivent déjà dans des conditions précaires. La température a augmenté de 10 % en cinquante ans, soit d'environ deux degrés. Conséquence : la période de sécheresse s'allonge, causant des maladies respiratoires chez les plus faibles et accentuant le problème de famine.


    Parcourir le monde pour filmer les effets du réchauffement climatique, tel est toujours l'objet de cette quatrième saison de Sale Temps pour la planète, de Morad Aït-Habbouche et Hervé Corbière. Si la mise en scène de leur périple le long des côtes malgaches, raconté à la première personne avec itinéraire à l'appui, n'apporte pas grand-chose à la démonstration, les réalisateurs parviennent à illustrer visuellement les effets d'une réalité pourtant difficilement palpable : le changement climatique.

    Mathilde Fassin


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  • Qu'un seul tienne et les autres suivront

    La prison est un mur, et il n'est pas simple, lorsqu'on est dehors, d'avoir accès au dedans. Le titre du premier film de Léa Fehner induit une dignité, celle des proches de détenus. Tenir debout : tel est le mot d'ordre de ses personnages, dotés d'une force que la jeune femme du prologue n'a pas - elle craque à l'entrée d'un parloir, implorant une aide qui ne vient pas. Les trois autres, dont on suit la trajectoire, se débattent dans le silence.

    Il y a Laure, une jeune bourgeoise, garçon manqué, jouant au foot, draguée par Alexandre, brave banlieusard en révolte. Une idylle naît, Laure est amoureuse, tombe enceinte, mais Alexandre fait une connerie et se retrouve derrière les barreaux. Un drame pire pour elle que pour lui. Elle a caché son histoire à ses parents, elle est mineure donc interdite de visite, sauf accompagnée...

    Il y a Zohra, une Algérienne dont le fils a été assassiné, et qui, au tréfonds de son chagrin, cherche à comprendre, découvre l'homosexualité de son gamin, et conquiert l'amitié de la soeur du criminel afin de pouvoir approcher celui-ci, interroger l'homme qui a anéanti sa vie.

    Il y a Stéphane, tiraillé entre une mère asphyxiante et une copine dominatrice, qui finit par le quitter. Stéphane court après lui-même. Sa brutalité est une carapace, il est en miettes. On lui propose contre argent de prendre la place d'un voyou incarcéré dont il est le sosie. Ce qui provoque un drame de conscience et nécessite d'humiliantes répétitions.

    Qu'un seul tienne et les autres suivront est un film pensé. Les fils n'y sont pas invisibles. Le dénouement, qui voit les personnages des trois récits se rejoindre dans le parloir, zone symbolique, peut sembler théâtral. On ne croit qu'à moitié à l'épisode Zohra ; la dialectique de cette Mère Courage laisse perplexe, en partie à cause du déficit d'émotion qu'elle suscite.

    Ce n'est pas le cas des deux autres histoires, grâce aux comédiens. Propulsé dans Je suis heureux que ma mère soit vivante, de Claude et Nathan Miller, et A l'origine, de Xavier Giannoli, Vincent Rottiers, attachant petit voyou, est très crédible. Sa partenaire, Pauline Etienne, est touchante. Avec sa gueule cassée de Gitan prêt à péter les plombs, mais à l'âme d'enfant, Reda Kateb a de la présence. Et le talent de sa jeune complice, la Russe Dinara Droukarova, n'est plus à démontrer.

    Ces quatre acteurs séduisent si bien la caméra que le film dépasse son concept et réussit à incarner une intrigue tissée sur le double, la ressemblance, la permutation des situations.

    Film français de Léa Fehner avec Vincent Rottiers, Pauline Etienne. (2 heures.)


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  • Sommeil trompeur (Libération)

    Avec «Inception», Christopher Nolan enfonce l’action dans un labyrinthe de rêves. Par DIDIER PÉRON

    Inception de Christopher Nolan avec Leonardo DiCaprio, Joseph Gordon-Levitt, Cillian Murphy, Marion Cotillard, Ken Watanabe… 2 h 28.

    La Warner ne peut que se féliciter d’avoir l’Anglais Christopher Nolan dans son écurie de cinéastes chromés, surtout depuis le milliard de recettes dépassé l’été 2008 par The Dark Knight, avec Heath Ledger en Joker psychotique. On imagine assez bien la réunion pour la mise en route d’Inception où, bien que personne, en dépit d’efforts méritoires, n’ait probablement compris de quoi il retournait, la carte blanche et le mégabudget - on parle de 160 millions de dollars (124 millions d’euros) - furent, comme prévu, votés dans la joie et la bonne humeur. Le démarrage en trombe du film au box-office américain et l’énorme attente qu’il suscite en France et ailleurs laissent à penser que personne ne devrait s’en mordre les doigts.

    Névroses. Inception part du principe qu’il est possible de fabriquer une scène d’action non plus sur la terre ferme (ou dans le cosmos) mais dans un espace onirique collectivisé. Ne nous demandez pas comment ça marche, le film lui-même est plutôt elliptique sur ce point malgré des plans furtifs sur une bécane ressemblant vaguement à une Playstation (ou un appareil de dialyse) avec des tuyaux que les personnages s’enfoncent dans les veines avant de sombrer en catalepsie. eXistenZ de Cronenberg avait déjà expérimenté cette idée. L’équipe entourant Cobb (DiCaprio), un staff directement inspiré par celui de la série Mission impossible, fait profession de voler les secrets de leurs victimes pendant leur sommeil, pratiquant, si l’on veut, une nouvelle forme d’espionnage industriel sur l’oreiller mais sans séduction et sans sexe. Un magnat japonais perfide, Saito (Ken Watanabe), leur demande d’inverser le processus et d’enfoncer bien profond une idée dans le cerveau de Fisher, un jeune multimilliardaire (Cillian Murphy). Saito veut tout simplement que Fisher décide de démembrer l’entreprise paternelle qui, par sa vocation hégémonique, menace directement ses intérêts.

    Pour ça, il faut à Cobb mobiliser des ressources psychiques supercomplexes à trois (ou quatre ?) niveaux, le rêve dans le rêve dans le rêve («a dream within a dream, etc.»). D’autant que le subconscient de Fisher est bien armé, en l’occurrence d’hommes à grosses mitraillettes roulant en Hummer qui gardent jalousement son intégrité affective et ses névroses de fils mal aimé.

    Plus on s’enfonce, et plus on s’avance en zone belliqueuse jusqu’à une sorte de Fort Knox-hôpital dans la neige, qui est aussi le coffre-fort ultime qu’il faut forcer pour y introduire la mauvaise graine de la dilapidation du capital affectif et financier.

    Inutile de paniquer, tout le monde est largué mais, dans le film, les personnages édictent doctement les froids principes du scénario comme si tout ça était parfaitement naturel et limpide. Il y a, en définitive, une dimension comique dans Inception (bien que l’humour soit un ingrédient strictement proscrit par Nolan depuis son premier long, Mémento), qui tient précisément à la manière dont l’équipe de Cobb s’active selon un timing précis à une tâche qui ne semble rien moins qu’improbable dans ses causes, son processus et ses effets.

    La phrase d’Hitchcock «il vaut mieux partir du cliché que d’y arriver» illustre bien le trajet inverse de Nolan dans son délire : on démarre fort sur une dislocation assez époustouflante des traditionnelles scènes d’exposition et on termine en blockbuster plutôt balisé, entre John Woo et James Bond.

    On ne connaît pas, par ailleurs, le genre de farine que Nolan sniffe avant de se mettre au lit mais ce n’est pas de la valériane pilée. L’idée qu’il se fait du rêve, avec ses bastons, fusillades et écroulements de décors gigantesques sonorisés par le compositeur Hans Zimmer, qui ferait passer Wagner pour un timide claveciniste, sent la schnouff colombienne à dix kilomètres. DiCaprio lui-même, le meilleur acteur de sa génération sans discussion possible, n’a pas l’air dans son état normal. Comme l’écrit de manière hilarante Andrew O’Hehir dans son excellente critique sur le site Salon.com, on a l’impression qu’il a «un dysfonctionnement caractérisé des glandes sudoripares et un besoin pressant de trouver les toilettes les plus proches». Quant à notre Marion Cotillard nationale, comme d’habitude incroyablement sexy et mystérieuse, Nolan n’a rien trouvé de mieux que l’enfermer à double tour dans une cellule annexe en sous-sol et, pour la narguer, passer en boucle le tube de Piaf : «Non, je ne regrette rien».

    Autoportrait. Alors, bien sûr, on ne passe pas un mauvais moment à regarder Inception et ce n’est pas l’objet de cet article de décourager qui que ce soit de le voir (ce serait d’ailleurs peine perdue, tout le monde crève d’envie d’y aller), mais il y a juste une disproportion flagrante entre l’ambition affichée et l’imaginaire visuel souvent convenu qu’elle déclenche tous azimuts.

    Quand, parfois, les personnages consentent à se taire ou à tirer à vue, l’action pure peut se déployer en superbes chorégraphies - la séquence centrale en apesanteur dans les couloirs d’un palace avec l’excellent Joseph Gordon Levitt - (lire ci-contre ), stases et chutes, jouant de changements de vitesse et d’implosions formelles (la balade dans Paris avec l’architecte Ariane, jouée par Ellen Page).

    Le film peut s’analyser comme une sorte d’autoportrait de Nolan en démiurge (il ressemble d’ailleurs légèrement à DiCaprio) inventeur de mondes et nageur fluidique à l’intérieur des consciences de masse. On ne le sent pas guetté par la modestie. Nolan, désormais quasiment aussi puissant à Hollywood qu’un James Cameron, s’active déjà à un nouvel épisode de Batman qu’il doit réaliser tandis qu’il supervise en tant que coscénariste et producteur The Man of Steel, un nouveau Superman.


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