• illusion productiviste

    Pour en finir avec l’illusion productiviste

    Par JOSÉ BOVE syndicaliste de la confédération paysanne, député européen Europe Ecologie

    En déclarant au Salon de l’agriculture, le 6 mars : «toutes ces questions d’environnement, […] ça commence à bien faire», M. Sarkozy renie les conclusions du Grenelle de l’environnement. Terminés les 20% de produits biologiques en 2012 et la réduction de 50% des pesticides ? Continuerons-nous à importer de chez nos voisins les produits bio qui ont le vent en poupe ? Pollutions des eaux, érosions de sols, algues vertes et OGM ont encore de beaux jours devant eux. Les signaux lancés par le gouvernement français sont en porte-à-faux avec les mesures engagées dans les régions où les élus d’Europe Ecologie s’engagent dans la direction d’une agriculture répartie sur l’ensemble du territoire, relocalisée, évoluant vers l’agriculture biologique, et créatrice d’emplois. Confortant un modèle productiviste décrié, M. Sarkozy appartient au monde d’hier. Il est incapable de se projeter dans un avenir moderne et différent.

    La crise agricole est la conséquence de l’accord de l’OMC sur l’agriculture de 1993. La mise en concurrence de l’ensemble des paysans de la planète, la libéralisation des marchés a généré une crise économique globale qui frappe l’ensemble des paysanneries de la planète et à laquelle les paysans européens n’échappent pas. Les revenus moyens en France ont baissé de 34% en 2009, et dans certains pays de l’Union européenne, comme la Bulgarie et la Roumanie, les paysans ont vu leur niveau de vie divisé tout simplement par deux.

    La reconnaissance du droit international à la souveraineté alimentaire est indispensable. Les pays ou groupes de pays ont ainsi, comme l’Europe l’a fait en son temps, la possibilité de bâtir leur propre politique agricole à l’abri de taxes. Seuls des prix couvrant leurs vrais coûts de production, et offrant des revenus corrects permettront aux paysans, au Sud comme au Nord, d’investir dans une agriculture moderne, dégagée de sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et des pesticides, et de nourrir les 9 milliards de personnes qui vivront sur notre terre en 2050.

    La politique agricole voulait garantir à tous une alimentation de qualité, elle a échoué. En Europe, 80 millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté et ne mangent pas correctement. Les prix payés aux paysans baissent. La conquête des marchés mondiaux ne sert que les intérêts des multinationales. Concentrons-nous sur notre priorité, offrir une alimentation abordable et de qualité à nos concitoyens, une alimentation qui ne saccage pas l’environnement, et qui permette aux paysans de vivre de leur travail. Le gouvernement de M. Fillon tourne le dos à ces aspirations, nous, non !

    La répartition de la plus-value dans la chaîne alimentaire doit être rééquilibrée. Les multinationales de la transformation, Danone, Nestlé ou Lactalis, ou de la distribution, Carrefour ou Auchan, abusent de leur position dominante et imposent des baisses de prix aux paysans sans qu’elles ne bénéficient aux consommateurs. Les agriculteurs ont besoin de se regrouper pour négocier collectivement ; ce qui leur est interdit aujourd’hui. Ce sera possible si nous recréons des organisations communes de marché. 80% des subventions européennes sont empochées par 20% des agri-managers, nous devons changer les critères de répartition afin que la création et le maintien d’emplois soient enfin pris en compte. L’agriculture industrielle et polluante survit grâce à la captation des fonds publics qui donnent l’illusion qu’elle est rentable. Démolissons ce mythe ! Changeons l’orientation des aides entre pays et entre paysans pour faire enfin décoller une agriculture biologique, qui ne pollue pas les eaux, qui ne détruit pas les sols, qui ne génère pas de cancers, qui crée des emplois, une agriculture qui s’avère être moins coûteuse pour tous.

    Libération


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