• expérience écolo extrême

    No impact Man: l'expérience écolo extrême

    Par Richard De Vendeuil, publié le 11/03/2010 lexpress.fr

     

    Adieu télévision, lave-linge et même papier toilette... Dans No Impact Man, Colin Beavan raconte l'expérience de sa famille new-yorkaise : réduire au minimum son empreinte carbone.

    Le New-Yorkais Colin Beavan publie ce jeudi en France No Impact Man, le récit de l'expérience écologique extrême qu'il a mené en famille durant un an, du côté de Manhattan. Celle-ci avait pour but de réduire au minimum son empreinte carbone en limitant de façon draconienne sa consommation d'électricité, ses déchets ou le recours à tout électroménager.

    En consignant leurs faits et gestes sur un blog qui compte près de 2 millions de visiteurs – la saga de Beavan et consorts est vite devenue une référence. Leur quotidien, haché menu avec une bonne pointe d'humour, fait aujourd'hui un carton. Avec 75 000 exemplaires vendus outre-Atlantique et déjà une dizaine d'éditions étrangères, No Impact Man est un témoignage qui fait foi et suscite des vocations. Aux Etats-Unis plus de 6000 foyers ont déjà téléchargé, gratuitement, le manuel d'apprentissage indiquant comment vivre à son tour une semaine sans impact écologique. De passage à Paris, Colin Beavan a accepté de répondre aux questions de LEXPRESS.fr.

    Votre livre est surtitré "Peut-on sauver la planète sans rendre dingue sa famille?". Comment allez-vous, vous et votre famille, depuis cette expérience?

    Colin Beavan: D'abord, personne n'est devenu fou. Même si certains journalistes outre-Atlantique m'ont balancé "hors antenne" qu'ils trouvaient mon aventure plutôt bizarre. Nous sommes tous trois sains de corps et d'esprit! Bien sûr, il y a toujours les sceptiques –d'après moi, 30% de la population américaine– qui évoquent de temps à autre mes "élucubrations". Mais même ceux-là s'ouvrent à la discussion. Je le vois sur mon blog. Ceux qui ne croient pas au facteur humain du réchauffement climatique s'y expriment et sont plutôt à l'écoute.

    Votre épouse, Michelle, était-elle également "à l'écoute" de ce projet, prête à abandonner réfrigérateur et couches jetables pour votre fille?

    Je lui ai parlé du projet peu de temps après qu'elle ait vu Une vérité qui dérange, le film d'Al Gore. Le terrain était donc propice, mais c'est vrai qu'abandonner le lave-vaisselle a donné lieu à quelques empoignades. Finalement on s'est imposé cette contrainte, il fallait bien établir des règles. Quitte d'ailleurs à envisager de – rares- exceptions. Comme le café, qu'on a finalement maintenu parmi nos consommations. Mais je le prenais chez Starbucks avec ma tasse personnelle, non recyclable, que j'ai toujours sur moi, plutôt que de me servir d'un gobelet jetable fourni. Cela posait d'ailleurs un problème à la caissière: elle se demandait combien il fallait me faire payer!

     

    En fait ce nouveau choix de vie, totalement expérimental, s'est déroulé comme lorsqu'on se met en ménage. Chacun doit revoir ses positions, les renogocier pour trouver un compromis acceptable pour l'autre. C'est exactement ce qui s'est passé pour nous. On a eu des divergences mais pas tant que ça. Au total, il y a eu six mois difficiles d'accoutumance – et aussi de pression médiatique. Au-delà, l'aspect contrainte s'est estompé. Au point que Michelle, qui adore le shopping, s'est convertie aux boutiques de fringues type dépôt-vente. Il faut comprendre que cette expérimentation ne visait pas à faire ceinture sous prétexte de sauver la planète, mais bien à créer, comme en laboratoire, des conditions qui nous permettraient de penser et de vivre les choses différemment.

    Avez-vous beaucoup tâtonné?

    Oui, bien sûr! Vivre sans machine à laver n'est sans doute pas la meilleure solution. Mais nous nous étions fixé des règles. Et puis se laver les cheveux avec une solution à base de bicarbonate de soude, ce n'est pas si dur que ça. L'important, ce ne sont pas nos propres limites mais ce que nous en faisons.

     

    La question des couches culottes et du papier toilette dont vous avez voulu vous passer a fait jaser...

    La presse l'a beaucoup monté en épingle, c'est décevant. Si je n'avais pas été aussi naïf au départ, je n'en aurais jamais parlé. D'autant que pendant qu'on discute d'un sujet trivial (et d'une méthode uniquement pratiquée dans nos société occidentales), chaque minute l'équivalent de neuf terrains de foot est rasé dans la forêt amazonienne. On a sûrement mieux à faire dans une société dite évoluée que d'utiliser de telles ressources pour produire des serviettes en papier!

    Ce que je voulais faire passer en utilisant les couches culottes réutilisables plutôt qu'en plastique jetables, c'est qu'on pouvait raisonner autrement. Penser non pas en termes de produits différents mais réfléchir à utiliser moins de produits. En lavant les couches deux fois par semaine, je n' ai besoin que d'une trentaine de couches lavables pour bébé alors qu'avec les jetables, il m'en faudrait 4000! Cherchez l'erreur.

    Aucun prosélytisme dans votre démarche?

    En aucun cas. Même pas dans mon immeuble. On y a bien remplacé les ampoules pour d'autres fluocompactes, mais on n'a pas touché à la chaudière. Passer au diesel aurait pourtant été bien plus économe et efficace! Reste que ce que je lis sur mon site me fait dire que les gens changent leurs comportements -plus ou moins, mais ils évoluent. On passe du registre d'une consommation ostentatoire à celui d'une consommation régulée.

    Auriez-vous pu continuer longtemps comme ça?

     

    Honnêtement, je ne sais pas. La fin du parcours fut difficile. Le retour à la normale m'a posé problème. Sans doute parce qu'il n'y avait plus vraiment de "normal". A la fin de l'expérience, c'était comme si je n'avais plus d'identité. J'étais désorienté. D'une certaine façon, d'ailleurs, c'est depuis que l'expérimentation s'est achevée que cela devient intéressant. On a dû conserver près de 60% des règles que nous nous étions fixées.

    Nous continuons par exemple d'acheter dans les dépots-ventes ou les farmer stores [NDLR: l'équivalent des Amap, associations pour le maintien d'une agriculture paysanne]. Je ne quitte pas une pièce éclairée sans tourner l'interrupteur et continue de circuler à vélo ou à pied. J'évite autant que possible d'emprunter l'ascenseur pour monter à l'appartement. Quand je le fais, je culpabilise! C'est comme si j'étais dans un état de rébellion par rapport au mode de consommation que nous avons réintégré depuis la fin de l'aventure. Le frigo est de retour, pas le congélateur. La télé est absente mais on laisse de temps en temps Isabella regarder un film sur l'ordinateur.

    Depuis votre expérience, des fabricants d'électroménager -ou autre- qui s'affichent écologiquement responsables vous ont-ils sollicités?

     

     

    Oui. Mais je refuse d'apporter mon soutien à qui que ce soit. D'autant que parmi les produits dits "verts" il y a encore beaucoup à faire, notamment du côté des emballages, omniprésents et qu'il faut continuer à éliminer.

    Et si c'était à refaire?

    Ce ne serait pas du côté du lave-linge ou de la machine à café que je regarderais le plus, mais de celui des comportements initiés par cette expérience! Surtout dans un environnement urbain dense comme celui de New York. Un exemple: faute d'air conditionné, on allait –et on continue d'aller– se rafraîchir autour de Washington Square. Cela nous a conduit à faire des rencontres, à prendre du temps avec d'autres personnes qu'on ignore lorsqu'on est dans son train-train.

    A l'avenir, je compte m'impliquer au sein des réseaux associatifs que nous avons découvert tardivement, une fois qu'on s'est débarrassé du téléviseur. D'ailleurs ma fondation y travaille. Il s'agit de créer du lien, de tisser des communautés d'échanges. Attention! Rien avoir avec des collectifs hippies. Même si partager ensemble, sur le toit d'un immeuble, un jardin potager est une excellente formule. L'impact doit demain être sur le social, les rencontres en face à face, et pas seulement sur les réseaux sociaux que véhiculent les technologies de l'information.

    Les mauvaises langues disent que votre ouvrage vous procure une sécurité financière inespérée...

    Paradoxalement, j'ai accepté une avance bien moindre pour faire ce livre qu'à l'occasion de mes précédents ouvrages. Aujourd'hui la différence essentielle est que je ne vis plus au mois le mois: je peux regarder sereinement les six prochains mois.   

    Prochaine étape?

    Je réfléchis à un livre autour du "bien-vivre" –ou plutôt du "mieux-vivre", de l'idée du bonheur national brut. Après l'échec de la conférence de Copenhague, il est capital de s'impliquer deux fois plus sur le terrain environnemental. Je l'écris dans mon livre: si nous voulons que la planète reste vivable, nous devons faire d'autres choix –et pas seulement dans les bureaux de vote. L'action individuelle est complémentaire de l'effort collectif, ils ne s'excluent pas l'un l'autre. 

     

     

     

     

     


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