• Tamara Drew

    Frears revient à la comédie avec un film enjoué adapté d’une trépidante bande dessinée

    Dans une Angleterre pastorale et de carte postale, celle des cottages bien entretenus et des haies taillées au cordeau, un auteur de polars à succès et sa femme dévouée accueillent dans leur ferme des écrivains en résidence.

    La petite communauté vivote gentiment, entre jalousies mesquines et ambitions déçues, jusqu’à l’arrivée de Tamara Drewe.

    Originaire du village voisin, cette jeune et belle journaliste installée à Londres revient dans sa maison de famille et va involontairement semer la pagaille dans des existences trop tranquilles pour être tout à fait honnêtes.

    Tel était le scénario du superbe roman graphique de l’auteur britannique Posy Simmonds, tel est celui de son adaptation, extrêmement fidèle, par Stephen Frears.

    La force du livre de Posy Simmonds était de décrire à la perfection ses contemporains et, avec une précision toute naturaliste, leurs petits travers, leurs désillusions, leurs espoirs. Grâce à des dialogues percutants et ironiques, elle restituait des attitudes justes et l’atmosphère de notre époque.

    Stephen Frears a parfaitement compris que les fils comiques et dramatiques du récit devaient tout à ces échanges à la fois caustiques et naturels. Il multiplie lui aussi les petites phrases qui font mouche, ce qui lui permet de rendre intéressants et attachants des personnages pourtant stéréotypés – un écrivain star qui cède à la facilité et s’entoure d’une cour de flagorneurs, un batteur de rock imbu de lui-même, un universitaire américain en pleine angoisse de la page blanche…

    Le réalisateur anglais transpose magistralement un des principaux charmes du livre, les personnages de deux adolescentes désœuvrées et rebelles, qui pimentent l’action et bouleversent le cours de l’histoire en précipitant les catastrophes.

    Ces chipies bavardes et fantasques, lectrices assidues de magazines people et passionnées par la vie sexuelle de leurs rock-stars préférées, sont plus vraies que nature. Leurs apparitions, toniques, contrastent avec les scènes bucoliques ou d’intrigues amoureuses de ce vaudeville campagnard. Elles finissent même par voler la vedette à Tamara Drewe, héroïne un peu désincarnée à force d’être trop jolie et sophistiquée pour l’endroit.

    Respectant à la virgule près l’esprit et la lettre de l’album, Stephen Frears reprend également à son compte les trucs et astuces de Posy Simmonds, par exemple son ingénieuse utilisation des nouvelles technologies. Et le recours de rigueur aux mails et aux SMS, généralement manié assez maladroitement au cinéma, est ici habilement intégré dans le récit, devenant source de drôlerie et de quipropos.

    Avec son enchaînement continuel de péripéties, de rebondissements cocasses, de dialogues acérés et de tranches de vie quotidienne, Tamara Drewe, féroce et malicieux, a le charme d’une comédie de Woody Allen et l’efficacité impeccable d’une série de la BBC.

    Avec son précédent film, Chéri, contemplative et lénifiante adaptation de Colette, Stephen Frears avait réussi à faire oublier qu’il était capable de réaliser des comédies enjouées et irrésistibles (High Fidelity). Avec ce ballet drôle, léger et trépidant, il se rattrape ici allègrement.

     lesinrocks

    Des paysages idylliques, un soleil radieux : pour un peu, la campagne du Dorset amoureusement cadrée par Stephen Frears aurait des allures de Toscane. Mais avec un réalisateur aussi filou, il ne faut jamais se fier aux apparences : les prés au charme bucolique vont accueillir un vaudeville féroce où tous les protagonistes s'espionnent, s'envient, se mentent.

    Tamara Drewe est l'adaptation d'une bande dessinée de Posy Simmonds, elle-même pastiche d'un grand classique de la littérature anglaise, Loin de la foule déchaînée. Signe des temps, l'héroïne idéaliste de Thomas Hardy s'est transformée en chroniqueuse pour The Independent. Avec son mini-short, son débardeur moulant et son nez refait, Tamara (la bombe Gemma Arterton) met le feu à son village natal. Un beau jardinier, un batteur de rock pour minettes, un romancier volage : tous les hommes succombent... et en prennent pour leur grade. En grande forme satirique, Frears épingle autant les ruraux intolérants que les précieux ridicules venus de la ville. Avec des piques particulièrement vachardes, et drôles, pour les écrivains, décrits comme des inadaptés égocentriques et mesquins.

    Ce théâtre des vanités est commenté, façon choeur antique, par deux adolescentes au langage cru (Jessica Barden et Charlotte Christie, révélations d'un casting impeccable). Spectatrices dans le premier acte, Jody et Casey vont devenir des deus ex machina dépassés par leurs initiatives : une belle trouvaille de scénario qui relance le film au moment où le jeu de massacre menaçait de tourner en rond. Les personnages dépassent, alors, leur propre caricature - même le rocker bas du front parvient à se montrer fin psychologue ! Et la comédie de moeurs se diversifie tous azimuts : des poursuites dignes d'un cartoon de Tex Avery, un soupçon de mélo et même... un pastiche de western, quand Frears filme un troupeau de vaches en furie comme une charge de bisons dans Danse avec les loups. Ultime pirouette d'un film stimulant de bout en bout.

    Télérama, Samuel Douhaire, 17 juillet 2010  


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