• Belgique : menace sur le nucléaire

    Par Isabelle Hanne  24 mars 2016 - Libération
     

    La Belgique a-t-elle évité de justesse de conjuguer terrorisme et nucléaire ? Un faisceau d’indices, des noms qui apparaissent en relation avec les attentats de Paris, la fusillade de Forest et les attaques de Bruxelles, et une étrange vidéo qui fait le trait d’union, vont en tout cas dans ce sens. Dans les heures qui ont suivi les attentats de mardi, avec le passage au niveau 4 de la menace au niveau fédéral, «les personnels non essentiels au fonctionnement de la centrale ont été invités à quitter les sites de Tihange [en Wallonie] et Doel [côté flamand]», les deux centrales du pays, explique-t-on à Engie, l’entreprise française dont la filiale Electrabel exploite ces sites. Et selon la RTBF, onze personnes viennent de perdre leur autorisation d’accès à la centrale nucléaire de Tihange : sept après la fusillade de Forest, le 16 mars, et quatre depuis les attentats de mardi. Selon une source interne à la centrale contactée par Libération, ces retraits concernent en fait moins de onze personnes et uniquement des sous-traitants. Le gendarme belge du nucléaire, l’Agence fédérale de contrôle du nucléaire (AFCN), confirme le retrait de quatre habilitations la semaine passée, «sans lien avec les attentats» de mardi, précise son porte-parole Sébastien Berg.

    L’inquiétude n’est pas nouvelle. Les enquêteurs belges s’étaient bien gardés d’en faire la publicité : au lendemain des attentats de Paris, une vidéo d’une dizaine d’heures est retrouvée lors d’une perquisition dans le cadre du volet belge de l’enquête, menée au domicile de Mohamed Bakkali, 28 ans. Il est arrêté à Bruxelles peu après les attaques du 13 Novembre et considéré comme l’un des logisticiens de la cellule de Molenbeek. Sur les images, un plan fixe de porte d’entrée d’un domicile. L’existence de cette vidéo a été révélée fin février par la presse belge, et confirmée par le parquet fédéral. Les enquêteurs ont réussi à localiser le domicile et à identifier la personne visée grâce à un bus qui passait par là. La caméra, planquée sous un buisson, enregistrait les allées et venues d’un haut responsable du Centre de recherche nucléaire de Mol, doté d’un réacteur expérimental et d’une petite quantité d’uranium. Sur des images de vidéosurveillance, on voit deux hommes venus récupérer la caméra. Le quotidien belge la Dernière Heure avançait jeudi qu’il s’agirait des frères El Bakraoui, Ibrahim et Khalid, deux des kamikazes des attentats de mardi. Pour l’instant, le parquet ne confirme pas. Et Engie se refuse à tout commentaire. Mais il y a d’autres imbrications. Dans son «testament» révélé par le parquet fédéral mercredi, l’un des frères, Khalid El Bakraoui, fait référence à Mohamed Bakkali. Or, c’est précisément chez ce dernier que la vidéo du cadre de Mol a été retrouvée.

    Avant les attentats de cette semaine, et malgré l’existence de la vidéo, au ministère belge de l’Intérieur, on était ferme : «Il n’y a pas de menace spécifique pour l’instant sur les sites nucléaires belges», affirmait début mars la porte-parole Anne-Laure Mouligneaux, en précisant que ces sites sont «en vigilance renforcée» depuis les attentats de Paris.

    Le ministère s’appuie sur l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam), chargé d’évaluer les risques en matière de terrorisme. Et pour la vidéo du haut responsable de Mol, «l’Ocam a estimé que la menace portait sur la personne, et pas sur les installations». Rideau.

    «Politique des quatre yeux»

    Pourtant, la Belgique a déjà connu des histoires associant nucléaire et terrorisme. En 2013, un ingénieur de Doel 4, l’un des réacteurs de la centrale située près d’Anvers, avait été licencié pour radicalisation : il refusait de serrer la main de sa supérieure. «Il n’était plus conforme aux valeurs d’Electrabel», dit-on chez l’électricien.

    Un an plus tard, en août 2014, le même réacteur, Doel 4, subissait le sabotage d’une turbine. Toujours pas élucidé à ce jour. L’enquête est rapidement passée aux mains du parquet fédéral : la piste terroriste est sérieusement envisagée. «Dans le hall de Doel 4, on a volontairement vidé 65 000 litres d’huile qui sert à lubrifier la turbine - normalement, la vidange se fait en cas d’incendie - puis on a remonté la vanne pour faire croire que tout était en règle, détaille Eloi Glorieux, l’expert nucléaire de Greenpeace Belgique. Les caméras de surveillance avaient été tournées de l’autre côté : la preuve que ce n’était pas un acte impulsif, ni l’œuvre d’une seule personne.» Cette vidange a provoqué de gros dégâts sur la turbine de Doel.

    Cette centrale, posée sur un polder au bord de l’Escaut, est implantée en plein poumon économique du pays : ses tours de refroidissement font face aux conteneurs et aux usines pétrochimiques du port d’Anvers. Avec 1,5 million d’habitants dans un rayon de 30 km, c’est la centrale nucléaire située dans la région la plus densément peuplée d’Europe. «Ce sabotage aurait pu provoquer une vraie catastrophe, commente le député et chef du groupe écologiste au Parlement, Jean-Marc Nollet. On a eu de la chance, d’une certaine manière…»

    Plus d’un an et demi plus tard, il n’y a eu aucune interpellation dans le cadre de cette enquête. Le sabotage de Doel 4 a tout de même poussé Electrabel et le gendarme du nucléaire belge, l’AFCN, à imposer deux nouvelles mesures au sein des centrales : la «politique des quatre yeux» oblige les travailleurs à se déplacer à deux dans les parties sensibles de la centrale. Et il est interdit de garder son téléphone portable dans les zones techniques de la centrale, nucléaires ou non. Fin janvier 2016, le journal l’Echo révélait que l’ingénieur de Doel licencié en 2013 était le beau-frère d’Azzedine Kbir Bounekoub, un jihadiste de l’organisation Sharia4Belgium, très implantée à Anvers. Né en 1992, il avait quitté la Belgique pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique en Syrie dès 2012, sous le nom d’Abu Abdullah. Il est notamment connu pour avoir appelé plusieurs fois à commettre des attentats sur le sol belge.

    La sécurité des centrales belges est discutée au niveau local, lors de comités de suivi qui réunissent bourgmestre, police, exploitant… Au niveau fédéral, c’est l’Autorité nationale de sécurité (ANS), dont la mission est de protéger toute information classifiée, qui se charge de délivrer les habilitations aux employés et entreprises sous-traitantes des sites sensibles (aéroports, Otan, mais aussi certaines parties des centrales, considérées comme «zones classifiées»…). «Cette habilitation est accordée ou non après une très profonde enquête de sécurité qui prend plusieurs mois, et qui est menée par tous les services de l’autorité collégiale [services de renseignement du pays, police judiciaire, police fédérale, AFCN, ndlr]», explique la présidente de l’ANS, Claudia de Maesschalck. L’Autorité réalise ensuite un contrôle tous les cinq ans, ou plus tôt «s’il y a de nouveaux éléments», rapporte sa présidente. Selon elle, environ 1 % des demandes sont refusées. Un critère rédhibitoire ? «Lorsqu’il y a une enquête judiciaire en cours contre la personne, affirme Claudia deMaesschalck. Nous ne menons pas une procédure pénale, mais une évaluation du risque. Ce n’est pas une science exacte, on n’utilise pas un algorithme.»

    Et quand il y a des éléments de radicalisation ? «La radicalisation fait partie de nos critères comme tout élément de droit commun. On est libre d’avoir la confession qu’on veut, c’est seulement quand il y a des éléments de prosélytisme dur ou d’extrémisme que l’on dit non. On ne refuse jamais pour raison religieuse, mais parce que l’intégrité de la personne n’est plus garantie.»

    Société privée de gardiennage

    Depuis les attentats de Paris, et le démantèlement de la cellule de Verviers, en Belgique (soupçonnée de préparer des attentats contre les forces de police), l’AFCN dit avoir «renforcé les mesures de sécurité dans et autour des sites nucléaires». En Belgique, cela représente quatre zones : les deux centrales de Doel et Tihange, le centre de recherche de Mol et l’Institut des radioéléments de Fleurus, un laboratoire de production de radio-isotopes à usage médical. «Il n’y a pas de risques avérés sur les sites nucléaires belges, insistait fin février Sébastien Berg, le porte-parole de l’AFCN. Mais on fait de la prévention, et ce qu’on a mis en place est suffisant pour prévenir un acte malveillant.»

    Une attaque terroriste dans une centrale nucléaire, le délégué syndical Gazelco à la centrale de Tihange, Jean-Marc Pirotton, n’y croit pas. «Ce n’est pas une personne qui, avec des explosifs, va réussir à faire sauter la centrale ! s’exclame-t-il, attablé dans une brasserie de Huy, la commune dont dépend Tihange. C’est beaucoup plus compliqué que ça. Il y a tellement de niveaux de sécurité et de contrôles, il faudrait de telles compétences, de telles connaissances des lieux, que ça me paraît hautement improbable. Bien sûr, il y a toujours moyen de faire mieux…» Le syndicaliste raconte sa récente visite d’une centrale allemande, avec «ses douves creusées tout autour, ses poutrelles antichar, ses dispositifs de fumée artificielle pour cacher le site, ses bases de canons antiaérien… Nous n’avons pas tout ça. Et les centrales belges n’ont pas été conçues pour résister à la chute d’un gros avion, mais aux avions de l’époque.»

    Ce n’est pas là la moindre des particularités du nucléaire belge. Là où la France a installé des pelotons de gendarmerie spécialisés dans ses centrales(lire l’encadré), la Belgique confie la sécurité de ses sites nucléaires à une société privée de gardiennage, G4S. Les gardiens n’ont pas le droit d’interpeller et doivent se contenter de contacter la police locale en cas d’incident. «Ils sont dépourvus de moyens légaux, ne sont pas armés : ils ont les mêmes prérogatives que n’importe quel citoyen» , remarque le commissaire Jean-Marie Dradin. A sa demande, ce numéro 2 de la police de Huy a effectué fin 2015 des stages à Tihange et dans la centrale française de Chooz (Ardennes), pour «parfaire [ses] connaissances sur le fonctionnement de la sécurité». Et améliorer la communication entre la société de gardiennage et la police locale, qui est en première ligne pour intervenir sur la centrale.

    Il a ainsi pu évaluer les deux systèmes : «La sécurité de la centrale n’est pas en péril à cause de l’absence de militaires ou de policiers ! Mais fort de l’expérience française, je peux dire que c’est un plus.» Jusqu’au milieu des années 90, les centrales belges étaient d’ailleurs surveillées par des militaires.

    L’an dernier, l’ancien bourgmestre socialiste de Huy, Alexis Housiaux, avait tiré la sonnette d’alarme après le démantèlement de la cellule de Verviers pour demander que l’armée ou la police fédérale surveille à nouveau ces sites. «Je trouve anormal que l’armée patrouille en ville, protège les centres commerciaux mais pas les centrales, remarque celui qui fut en fonction jusqu’en janvier. Mais le ministère de l’Intérieur ne m’a pas donné raison, considérant qu’en Belgique, l’armée n’a pas une mission de police sur le sol belge. S’il y a vraiment des terroristes qui arrivent avec des intentions belliqueuses, ils entreront dans la centrale. Ils n’iront pas dans les parties nucléaires, mais ils pénétreront dans l’enceinte.»

    Greenpeace a d’ailleurs montré à plusieurs reprises qu’il était possible de s’introduire sur le site et de rester sur le dôme d’un réacteur «avec des moyens non violents», insiste Eloi Glorieux. Fin 2015, le gouvernement belge a finalement acté la création de la Direction surveillance et protection, un corps de police fédérale qui sera chargé de protéger entre autres les tribunaux et les sites nucléaires, jusqu’à la menace de niveau 3. Au-delà, c’est l’armée qui prend le relais. «Pour l’instant, nous en sommes au stade des groupes de travail, ça prendra encore quelques mois», précise la porte-parole du ministère de l’Intérieur.En attendant, 140 militaires sont déployés depuis la semaine dernière sur les sites nucléaires belges - une mesure donc mise en place avant les attentats.

    Mais la menace pourrait surtout venir de l’intérieur. Les centrales de Tihange et de Doel emploient chacune un millier de titulaires, et environ 500 sous-traitants : gardiens, magasiniers, techniciens… Dans les zones administratives, comme dans les zones sensibles. «Les salariés d’Electrabel sont analysés de manière profonde, tandis que dans certains cas, les sous-traitants ne sont soumis qu’à un "screening" rapide, affirme le délégué syndical Gazelco de la centrale de Tihange, Jean-Marc Pirotton. Dans ce cas, c’est l’officier de sécurité de la centrale qui donne ou pas son autorisation. C’est comme si dans un avion, on contrôlait à fond le pilote, les copilotes, les membres d’équipage et de cabine, mais qu’on laissait entrer n’importe quel passager ! A Tihange, on a un agent sous-traitant qui a perdu son habilitation pour radicalisation il y a deux mois…»

    Claudia de Maesschalck, qui ne «commente pas les cas individuels», assure que «les mesures de sécurité sont les mêmes pour les titulaires ou les sous-traitants», mais invoque la «logique économique : une habilitation, c’est six à neuf mois d’attente… Mais à la fin, tout doit avoir l’aval de l’ANS».

    Les faiblesses d’un processus

    Une fois par an, lors des révisions techniques, de nombreux spécialistes de l’extérieur peuvent venir travailler seulement quelques jours dans la centrale. «Cela peut être des centaines de personnes en plus, on n’a pas le temps de faire faire un vrai "screening" [contrôle, ndlr], qui peut prendre un an, raconte un technicien de Doel. La règle impose qu’ils ne soient jamais seuls dans la centrale, mais s’ils sont trop nombreux, c’est impossible de les surveiller.» Le porte-parole de l’AFCN, Sébastien Berg, défend ces mesures : «Les procédures ne sont pas moins fiables, elles sont simplement plus rapides. Certaines personnes doivent pouvoir intervenir dans un délai de quelques jours, parce qu’elles sont spécialisées sur un équipement.»

    Claudia de Maesschalck le reconnaît : «On ne peut jamais être blindé contre le risque. On peut le gérer, le minimiser, tout en cherchant le juste équilibre entre droits de l’individu et sécurité de l’Etat. C’est un processus très fin, très judicieux.» Qui peut avoir ses faiblesses, comme l’illustre le cas d’Ilyass Boughalab. Originaire du quartier anversois de Borgerhout, ce jeune homme né en 1988 a travaillé pendant trois ans comme technicien pour le sous-traitant Vinçotte, à Doel, et fournissait des certificats de conformité à la centrale. Il avait ainsi accès à la partie nucléaire du site, alors qu’il était connu des services de police pour comportement violent. Il est parti en Syrie en novembre 2012, où il est mort en mars 2014.

    Côté français, un contrôle renforcé

    En France, pays le plus nucléarisé du monde, «on a pris en compte la menace terroriste», clament Areva et EDF. La protection des sites contre ce risque «a été intégrée depuis le démarrage des centrales», note un porte-parole d’EDF, qui exploite les 19 centrales françaises. Après le 11 Septembre puis les attentats de 2015 à Paris, «les pouvoirs publics ont renforcé les dispositifs existants», ajoute-t-il. Pierre angulaire du dispositif, la présence «24 heures sur 24» de 800 hommes du peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG), formés par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et répartis dans les 19 centrales. «Mais avec les 3 × 8, les vacances, etc., il n’y a que 4 ou 5 gendarmes sur site en permanence…» tempère Yannick Rousselet, de Greenpeace. A quoi s’ajoutent vidéosurveillance, portiques, gardiennage, «bunkerisation» du site en cas d’intrusion… Face à la menace intérieure, chaque année «100 000 enquêtes administratives» sont réalisées sur les salariés d’EDF et intervenants extérieurs avec pour résultat la mise à l’écart de quelque 700 personnes se voyant refuser l’accès aux établissements. Depuis les attentats de Bruxelles, «pas d’évolution» par rapport au dispositif mis en place depuis janvier 2015, dans le cadre du plan Vigipirate : on reste en vigilance renforcée. Reste que «si on veut entrer dans une centrale, on y entre», garantit Yannick Rousselet, pour qui la pire menace vient du transport de combustible et de déchets nucléaires.

    http://www.liberation.fr/planete/2016/03/24/belgique-menace-sur-le-nucleaire_1441874


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  • Fukushima et Tchernobyl, des régions désertées après les drames, des villes devenues "fantômes". Emission de France Culture à écouter gratuitement:

    http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-les-villes-meurent-aussi-34-de-la-catastrophe-au-silence-les-villes-fantomes-


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  • Les autorités françaises minimisent le risque lié au survole de plusieurs centrales nucléaires par des drônes...c'est terrifiant!

    http://www.sortirdunucleaire.org/survol-deni-irresponsable

    Le directeur de la sécurité nucléaire n'est pas sûr que le crash d'un avion de ligne sur une centrale nucléaire n'endommage pas sérieusement celle-ci:



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    Namie est une ville fantôme située à quelques kilomètres de la centrale de Fukushima, évacuée après la catastrophe de 2011. Google y a envoyé ses voitures surmontées de caméras à 360 degrés. Voici un aperçu des images qu'elles ont rapportées.

    http://www.dailymotion.com/video/xyj3ys_visite-virtuelle-dans-la-zone-interdite-de-fukushima_news


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  • Le 9 mars, chaîne humaine à Paris, contre le nucléaire civil et militaire!

    http://vimeo.com/57448035


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  • EDF condamné à 4 000 euros d'amende pour une fuite radioactive

    3 décembre 2012

    En 2010, une fuite mineure s'était produite à la centrale de Golfech.

    La justice a condamné lundi EdF à 4 000 euros d’amende à Toulouse à cause d’une fuite radioactive à la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne), une condamnation qui est une première selon les organisations antinucléaires qui poursuivaient l’entreprise, l’un des principaux producteurs et fournisseurs d'électricité au monde.

    EdF a été condamnée par la chambre correctionnelle de la cour d’appel à payer deux fois 2 000 euros pour avoir utilisé un système d’alerte inadapté et avoir tardé à intervenir sur un puisard. EdF se retrouvait devant le tribunal à l’instigation des antinucléaires à cause d’une fuite de tritium survenue le 18 janvier 2010 à Golfech.

    Pour l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), la fuite était mineure et avait eu un impact sanitaire minime. Mais les antinucléaires voulaient mettre en accusation les règles générales de fonctionnement d’EdF. Ils avaient été déboutés en première instance par le tribunal de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne).

    Ils se réjouissaient lundi d’avoir, cette fois, obtenu gain de cause. «On est très satisfait qu’EdF soit pour la première fois condamné» pour des agissements qu’il commet «de façon chronique», a dit Marc Saint-Aroman, du réseau Sortir du nucléaire.

    Outre l’amende, EdF devra verser 1 500 euros de dommages et intérêts à chacune des trois parties civiles : Sortir du nucléaire, France nature environnement et les Amis de la terre.

    (AFP)

    Libération


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  • Nucléaire : l’EPR explose ses coûts

    4 décembre 2012

    Énergie . La facture du réacteur de Flamanville a été rehaussée de 6 à 8,5 milliards d’euros.

    Par CORALIE SCHAUB

    Rentable ou pas, le nucléaire de troisième génération ? Chacun ressort ses calculettes depuis l’officialisation, lundi soir par EDF, d’un surcoût de 2 milliards d’euros pour le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), qui doit entrer en service en 2016. Ce qui gonfle la facture à 8,5 milliards, cinq de plus que prévu en 2005. Et qui fait tache, en plein débat sur la transition énergétique.

    S’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes de janvier, Greenpeace a été l’un des premiers à réagir. Sur la base d’un EPR à 6 milliards d’euros, les magistrats avaient calculé que le coût de production de l’électricité oscillerait entre 70 et 90 euros le mégawattheure (MWh). Et l’ONG d’estimer, en faisant une règle de trois, que «ce nouveau surcoût enterre définitivement la compétitivité de la technologie EPR, avec un mégawattheure à plus de 100 euros face, par exemple, à l’éolien terrestre, dont le mégawattheure coûte moins de 80 euros».

     

    Biogaz. L’électricité de l’EPR sera-t-elle plus chère que celle provenant des énergies renouvelables ? «Force est de constater que, parmi les nouvelles technologies disponibles, l’éolien terrestre s’affiche chaque jour plus compétitif», relève le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui regroupe 450 industriels, citant «un prix de vente de 84 euros/MWh pendant quinze ans d’amortissement». Raphaël Claustre, directeur du Cler (Comité de liaison énergies renouvelables), avance aussi un prix de 150 à 200 euros/MWh pour le biogaz et de 100 à 340 euros pour les petites installations solaires photovoltaïques des particuliers, «en baisse importante et continue, contrairement à l’EPR».

    L’économiste Alain Grandjean, qui vient d’être nommé président du comité d’experts chargé d’éclairer le débat sur la transition énergétique, le disait déjà à Libération la semaine dernière : «Il y a cinq ans, le solaire photovoltaïque coûtait 600 euros/MWh, aujourd’hui on en fait à 100 euros, pas loin du coût du nucléaire de troisième génération.» Et d’enfoncer le clou : «On croit trop, en France, que l’énergie peut rester peu chère. Surtout l’électricité, grâce au nucléaire. C’est de moins en moins vrai. Notamment parce que le nucléaire de troisième génération est bien plus cher que l’actuel.»

     

    L’annonce du groupe d’Henri Proglio inquiète aussi le monde de la finance - le titre EDF perdait hier 2,27%. «Après un rapide calcul, le coût complet de production serait de 105 euros/MWh, soit le double du prix actuel de l’électricité, a indiqué à Reuters Per Lekander, analyste chez UBS. Cela semble impossible pour l’Angleterre d’accepter un tel prix, ce qui pourrait bien signifier la fin de l’EPR.» Car EDF Energy, filiale britannique d’EDF, négocie avec Londres l’implantation de deux EPR. «Les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie apparaissent d’autant plus compétitives qu’EDF Energy demande 125 à 175 euros par mégawattheure», croit savoir Raphaël Claustre. Du côté d’EDF, on refuse d’indiquer le moindre prix par mégawattheure.

    Tête de série. «Outre-Manche, c’est un autre marché, un autre équilibre, assène l’électricien. Pour l’instant, en France, l’électricité nucléaire reste la plus compétitive, hors hydraulique. Et l’EPR de Flamanville est une tête de série, c’est le premier exemplaire qui coûte cher. La rentabilité devra être calculée en tenant compte de l’ensemble des EPR qui seront mis en service.» Le tout est de savoir combien le seront. Il n’y en a que quatre en construction dans le monde. Preuve que le pari n’est pas gagné, le géant italien de l’énergie Enel a annoncé hier la fin de sa coopération avec EDF dans les EPR en France.

    Libération


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  • Les Amis de la Terre et Greenpeace ne participeront pas au débat sur la transition énergétique. Voici leurs communiqués.

    Les Amis de la Terre

    La première des raisons qui fonde notre décision est la désignation par le gouvernement, sans aucune concertation, des membres du comité de pilotage de ce débat. Sur les cinq personnes désignées, deux ont été parmi les principaux promoteurs du nucléaire en France et dans le monde : Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, et Pascal Colombani, ancien administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique. Ceci est pour nous inadmissible après Fukushima, face au danger et au manque total de transparence démocratique que représente cette énergie. En contrepartie, aucune place n’a été faite à des représentants actuels de la société civile et des alternatives énergétiques.

    Ce choix montre d’une manière très caricaturale quelles seront les orientations du futur débat. Il dicte d’avance les conclusions qui en seront tirées, et ferme la porte à la prise en compte de nos propositions.

    De plus, en six mois de mandat, le gouvernement a multiplié les signaux négatifs. En effet, les décisions prises sur le nucléaire, la crispation incompréhensible sur le projet de Notre-Dame-des-Landes, l’éventualité d’une exploitation des gaz de schiste qui reste toujours sous-jacente sont des exemples de mesures et de projets opposés à la transition énergétique.

    Le pivot central de ce débat devrait être constitué autour des économies d’énergie et la dilapidation des ressources. Donc, avant tout autre sujet, ce débat doit fixer des choix de société qui portent sur les économies et la maîtrise de l’énergie. Des options qui doivent être décidées par les citoyens. Il est impératif que ce débat ne s’inscrive pas dans une logique de validation des options portées par les seuls acteurs économiques, comme le réclame le MEDEF.
    Comment organiser la représentativité citoyenne dans ce débat ? Comment garantir une participation citoyenne exempte des intérêts particuliers des questions traitées ? Autant de questions occultées par le gouvernement. Dans un tel contexte, les conditions d’un débat public ouvert et sincère ne sont pas réunies, ce que nous sommes amenés à dénoncer en ne participant pas à ce simulacre de concertation.

    En quittant cette « concertation », les Amis de la Terre ne se désintéressent d’aucune façon du débat sur la question énergétique. Nous serons très attentifs aux « délibérations citoyennes » qui devraient débuter en février prochain et avoir lieu dans tout le pays dans le cadre du débat général, de même que nous examinerons avec la plus grande attention le contenu de la future loi de programmation énergétique, et continuerons à avancer nos solutions de transition énergétique, qui ne pourra se réaliser que dans le cadre d’une transition écologique beaucoup plus large, soutenable et solidaire.

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    Greenpeace

    le 13 November 2012

    Débat sur l’énergie : nous ne serons pas à l’intérieur

    Hier soir, 12 novembre, des représentants de Greenpeace France étaient en rendez-vous avec Delphine Batho. Un rendez-vous que nous avions sollicité, le 10 novembre, suite à l’annonce des noms des “sages” composant le comité de pilotage du débat.

    La composition du comité de pilotage nous avait alarmés : le secteur de l’entreprise est uniquement représenté sous l’angle des grands producteurs d’énergies sales, alors même que la transition énergétique concerne et bénéficie aux producteurs d’énergies renouvelables, aux PME et aux entreprises spécialisées dans les économies d’énergie.

    À l’issue du rendez-vous, Greenpeace a décidé de ne pas participer au débat sur l’énergie.

     

    L’entrevue avec Delphine Batho ne nous a pas rassurés. Aucune de nos demandes ou questions à la ministre sur l’organisation et le cadre de ce débat n’a été satisfaite, notamment l’indépendance et l’ouverture à d’autres acteurs du comité de pilotage. 

    Nous avons choisi : dans ces conditions, nous ne voulons pas servir une fois de plus de “caution verte” à un débat et un processus dont on craint que les conclusions seraient déjà décidées par d’autres.

    Greenpeace ne refuse ni le débat ni la discussion. Nous avons par le passé participé au Grenelle ou récemment à la conférence environnementale. Nous participons à divers organes de concertation avec les industriels notamment sur l’énergie nucléaire. Mais les résultats des 6 premiers mois de mandat de François Hollande et de son équipe nous ont fixés : nous n’avons plus confiance.

    L’entêtement sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les aides aux agrocarburants, la volonté de Delphine Batho de mener à bien des travaux coûteux et inutiles sur la centrale de Fessenheim malgré l’annonce de sa fermeture officiellement programmée pour 2016 ou l’inaction pour aider au développement des énergies renouvelables sont autant de mauvais signes pour le débat sur l’énergie à venir.

    Nous continuerons donc de faire campagne partout où ce sera nécessaire pour défendre notre vision de la transition énergétique …


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