• Labels huile de palme

    Dans la jungle des labels pour huile de palme

    Laura Thouny, 11/08/2010, L'Express

    Derrière les étiquettes "anti-déforestation" se cachent mille et une situations... loin d'êtres toutes vertueuses.

    Margarines, chocolats, bonbons, chips, shampoings... l'huile de palme dégouline littéralement de nos produits de consommation courante. Privilégié par les industriels pour son faible coût et ses propriétés chimiques, ce produit est pourtant à l'origine d'une déforestation massive en Indonésie et en Malaisie. 40% des forêts indonésiennes auraient déjà été détruites pour planter des palmiers à huile. Avec les impacts que l'on sait sur le CO2 atmosphérique (la déforestation produit d'énormes quantités de CO2 et les palmiers plantés captent beaucoup moins de CO2 que les arbres de la forêt) et l'habitat de nombreuses espèces (dont les orangs-outans, gravement menacés).  

    "Malgré la publicité faite autour de ces normes, il y a eu peu d'empressement à les appliquer"

    Que faire pour lutter à notre niveau contre cette catastrophe écologique? Première idée qui vient à l'esprit: se référer aux étiquettes. "Contient de l'huile de palme durable", "participe à la lutte contre la déforestation"... les labels pour huile de palme "écolo" fleurissent peu à peu dans les rayons de nos supermarchés. Un moyen pour les distributeurs et les industriels de l'agro-alimentaire d'afficher leur fermeté face à la déforestation.

    Du pipeau, pour le Centre international de recherche sur les forêts (Cifor), à l'origine d'un rapport accablant sur la situation en 2009. Il y a six ans, rapporte l'institut, les acteurs de la filière s'étaient engagés à appliquer les standards de la Table ronde sur l'huile de palme durable (RSPO), et promettaient de rendre des comptes chaque année. Mais jusqu'à présent, "malgré la publicité faite autour de ces normes, il y a eu peu d'empressement à les appliquer", constate le Cifor. 

    Tout n'est pas si vert

    "Greenwashing ", enfonce Greenpeace. Pour la plupart, les entreprises affiliées à la fameuse certification RSPO sont censées aller chercher leur huile de palme en Colombie, dans des plantations dites "durables" (qui sont, elles aussi, contestées...). Elles peuvent ensuite clamer leurs bonnes intentions sur leurs produits. Mais derrière les étiquettes, tout n'est pas si vert. "Etre adhérent RSPO n'entraîne pas d'autres obligations que de payer sa cotisation", affirme Jerôme Frignet, chargé de mission forêts pour l'ONG environnementale. Dans les faits, l'organisation "ne mandate pas d'experts pour effectuer des vérifications sur place", affirme-t-il.  

    Pis encore, certaines entreprises auraient recours à des plantations "vitrines" pour lesquelles elles sollicitent une certification RSPO, bénéficiant du coup de la fameuse petite étiquette... tout en s'adressant aussi à d'autres exploitations moins regardantes qui continuent de raser des forêts à tout va.  

    "C'est vrai qu'il y en a beaucoup, mais les choses évoluent", nuance Cécile Lachaux, de The Forest Trust (TFT), une organisation non gouvernementale qui accompagne les entreprises vers la certification de leur huile de palme. "Le RSPO prévoit des critères minimums pour le reste des plantations", ajoute-t-elle encore, même si "ça n'est pas forcément fait pour certains planteurs", concède-t-elle.

    Autre pratique dans la ligne de mire des défenseurs de l'environnement: la certification a minima, dont Greenpalm s'est fait le spécialiste. Ce programme de certification, approuvé par la Table ronde RSPO, propose aux entreprises de verser une certaine somme pour chaque tonne d'huile de palme qu'elle produit. Greenpalm s'engage alors à reverser une partie de cette cagnotte (un dollar par tonne) pour la lutte contre la déforestation. L'entreprise peut ainsi utiliser la même huile de palme qu'avant tout en affichant sur ses produits "participe à la lutte contre la déforestation". Certes, il n'est pas écrit "huile de palme durable", mais c'est une nuance que le consommateur ne perçoit pas. "On joue sur les mots", dénonce Greenpeace.

    Une première étape

    "C'est un premier pas", modère Boris Pattenger du WWF. Pour l'organisation de protection de l'environnement, stigmatiser les entreprises qui se tournent vers Greenpalm pourrait être préjudiciable à la lutte contre la déforestation. Car Greenpalm peut constituer une première étape pour les producteurs qui, sous la pression des consommateurs, évolueraient ensuite vers des niveaux de traçabilité de leur huile de palme de plus en plus élevés.  

    La certification dite "mass balance" est une autre étape. Elle correspond à l'emploi d'un mélange d'huile de palme durable et non durable, et donne elle aussi droit à une étiquette " verte".  

    Au sommet de l'échelle, on trouve la certification "segregated". Elle ne s'applique qu'à l'huile de palme 100% durable, dont la traçabilité est assurée du début à la fin de la chaîne. Pour les acteurs de la lutte contre la déforestation, c'est le Saint Graal. Mais du côté des industriels et des hypermarchés, le chemin est encore long.  


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