• Au pays du lobby gagnant

     

    Le toujours souriant Masanori Miyahara est "heureux" mais "fatigué". Thon rouge, coraux, requins, éléphants [j'ajoute l'ours polaire]: pendant treize jours, le chef de la délégation japonaise a combattu toutes les mesures de protection soumises au vote des Etats membres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), qui s'est achevée, jeudi 25 mars, à Doha, au Qatar. Il a gagné sur l'essentiel. Seule la vente d'ivoire d'éléphants d'Afrique, qui aurait séduit les consommateurs nippons, n'a pas été autorisée.

     

    Jusqu'au dernier jour, M. Miyahara s'est dépensé sans compter. Assis au premier rang de l'immense salle des débats, où 150 pays étaient représentés, il a pris la parole sur chaque proposition, serré toutes les mains aux interruptions de séance, répondu aux questions des journalistes - dont une vingtaine de Japonais.

    L'infatigable M. Miyahara a aussi été l'ordonnateur d'une impressionnante démonstration de force. "Ils étaient trente, nous étions trois", laisse tomber Patrick Van Klaveren, le chef de la délégation monégasque. Dont un tiers de membres du ministère de la pêche, comme M. Miyahara. Sans oublier, tout au fond de la salle des débats, pas moins de 17 groupes de pression nippons bien représentés : Association des pêcheurs de thon, Pêcheurs japonais, Association pour le développement et la protection des coraux précieux...

    Réunis sur le même stand baptisé Usage durable - Japon, tous annonçaient d'emblée la couleur, exhibant leurs épingles de cravates en corail et leurs portefeuilles en requin. Le message était clair : les ressources naturelles se portent bien et il faut les exploiter. Au mur, une grande affiche expliquait pourquoi dans le requin, tout est bon : la viande fournit des sashimis, les os des médicaments, la peau des sacs, les ailerons des soupes, les dents des coupe-papier. "Ces groupes étaient là pour nous soutenir... et nous observer", dit, en riant, M. Miyahara.

    Une seule personne représentait les écologistes japonais. "Ils ont très peu de pouvoir, observe Atsushi Ishii, un chercheur en science politique de l'université de Tokohu. Au Japon, la presse relaie le point de vue du ministère de la pêche", résume-t-il.

    M. Miyahara, lui, s'inquiète de l'image "fausse" et "injuste" donnée de son pays dans les médias occidentaux, surtout à l'approche de la réunion de la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui se tiendra, à Nagoya, en novembre. Et attaque l'Europe en la mettant face à ses contradictions. "Nous sommes favorables à des mesures de protection du thon et des autres espèces marines, mais nous pensons que c'est à la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique nord (Iccat> de les prendre, argumente-t-il. Nous avons proposé des quotas plus stricts dans cette instance, contre lesquels les Européens se sont beaucoup battus ! Bien sûr, il faut faire respecter les quotas, mais c'est encore et toujours un problème européen." Pour le Japon et ses 200 000 pêcheurs, les espèces marines sont "stratégiques", déclare-t-il sans hésitation.

    Le patron de la délégation japonaise assume son rôle de lobbyiste. "J'ai parlé à tout le monde ici du thon rouge, comme les ONG et les autres délégations. Mais moins des requins, j'avais dépensé toute mon énergie", sourit-il. M. Miyahara a aussi été l'hôte de réceptions appréciées. Dimanche 21 mars, 200 personnes se pressaient devant le buffet de sushis au thon, au bord de la piscine de l'hôtel Sheraton, où la conférence avait lieu.

    Ni les Etats-Unis, ni l'Europe, ni Monaco, principaux défenseurs de la protection du thon, n'avaient été invités. Ni la presse d'ailleurs, car des "sujets importants" devaient être abordés, selon Hisashi Endo, l'un des membres de la délégation. "On a surtout plaisanté", corrige M. Miyahara. "Je ne peux pas vous communiquer les votes de ma délégation, mais je peux vous dire que les sushis étaient délicieux", lance un représentant de la Tanzanie, hilare.

    La campagne japonaise a commencé plusieurs mois avant la réunion de la Cites, avec une tournée des capitales. "Un membre d'une délégation africaine m'a dit : "Pourquoi n'êtes-vous pas venu me voir ? Les Japonais sont venus, eux"", raconte M. Van Klaveren. Tokyo finance aussi des programmes de développement des pêcheries dans les Etats côtiers d'Afrique, d'Asie et du Pacifique. "Cela facilite notre communication", reconnaît M. Miyahara.

    Comme d'autres pays, le Japon a pris en charge financièrement le voyage de certaines délégations. Une douzaine, mais impossible de savoir lesquelles. Les votes à la Cites ont-ils été du coup téléguidés, comme le pensent les écologistes ? "Nous ne donnons pas d'ordres, répond M. Miyahara. Par exemple, sur les requins, nos amis libyens ne nous ont pas suivis." Beaucoup de délégués de petits pays affirment avoir pris position "en leur âme et conscience".

    Face aux faiblesses criantes de la diplomatie européenne, de nombreux pays en développement ont été sensibles aux arguments nippons qui rejoignaient leurs préoccupations. Leurs délégués fustigent d'ailleurs "l'hypocrisie de l'Europe, ancienne pyromane qui joue les pompiers". La crainte de voir la Cites se mêler de la pêche, qui fait vivre les populations côtières, a prédominé. "Il y a deux camps ici, ceux qui sont rassasiés, et ceux qui veulent manger", dit Luc Gnitassoun, membre de la délégation du Bénin.

    M. Miyahara rentre au pays avec des sentiments "mêlés". "Beaucoup de travail m'attend encore, dit-il. La pression sur nos épaules reste grande." Epuisé par le combat qu'il a livré, il espère, en tout cas, "ne pas être là" dans trois ans, à la prochaine conférence de la Cites.


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  • Libération, quotidien de gauche (?), offre une grande pub pour Areva lorsqu'on se connecte à son site.


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  • Y a-t-il un confort du pouvoir ?

    Bien sûr. C'est la raison pour laquelle, à mon arrivée, j'avais fait baisser mon salaire pour l'aligner sur celui de haut fonctionnaire que j'avais auparavant. Et il faut savoir ne pas être vissé à son fauteuil.

    Qu'est-ce qui ne tourne pas rond en France ?

    D'abord, il existe une vraie coupure entre ceux qui détiennent le pouvoir économique, politique, intellectuel, et les autres. Ensuite, il y a une contagion de la méfiance, un manque du goût de l'aventure et de prise de risque. On glorifie ceux qui prétendent prendre des risques mais qui en réalité sont les mieux assurés, quand forte rémunération rime avec recette chapeau. Enfin, on n'est pas capable de démontrer que quand on demande un effort aux mieux lotis, ça bénéficie aux moins bien protégés. Cela pousse au conservatisme.

    Propos de Martin Hirsch (suite à son départ du gouvernement) recueillis par Françoise Fressoz, Le Monde, 23/03/10


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  • Comment répondre à la colère des Français qui viennent d'infliger une double claque au gouvernement (large victoire de la gauche dans les urnes et forte mobilisation sociale d'aujourd'hui) ? Voici les réponses: mettre des chiraquiens, des villepinistes et des centristes au gouvernement... Quel sens politique! On applaudit! Sûr qu'avec ces gars-là ça va allait mieux!

     


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  • L'école en crise

    Ces derniers jours l’école a beaucoup défrayé la chronique. Surtout autour de l’insécurité avec une série d’incidents souvent montés en épingle par les médias. Il n’empêche ces problèmes illustrent aussi un malaise plus profond qui traduit la dévalorisation de l’école. Elle a cessé en effet d’être une priorité pour ceux qui nous gouvernent.

    L’insécurité s’accroît à l’école ? Ce n’est pas surprenant : en 2004 l’Education nationale employait encore 50 000 personnes pour assurer la « surveillance » sous différents statuts. Aujourd’hui ils ne sont plus que 28 000, quasiment moitié moins… Mais ce qui se passe sur ce plan ne fait qu’illustrer un désinvestissement plus général. La part des richesses produites chaque année, autrement dit le fameux PIB, consacrée à l’éducation était de 7,6 % en 1996. En 2008 elle n’était plus que de 6,6 %, en baisse une fois de plus par rapport à 2007. Eric Woerth veut limiter à l’avenir la part des dépenses publiques dans le PIB. En matière d’éducation c’est déjà le cas chaque année depuis près de 15 ans…

    Que déduire de cette baisse des dépenses d’éducation ?

    1 point de PIB en moins, cela parait sans doute très abstrait pour nos auditeurs. Cela veut dire en fait qu’il manque 20 milliards d’euros au budget de l’éducation pour que l’effort de la nation soit équivalent à ce qu’il était en 1996. 20 milliards en moins sur 129 milliards c’est un trou de 15 %, un euro sur six. Ces 20 milliards représentent plus de dix fois ce que l’Etat dépense chaque année pour son action à l’étranger ou encore deux fois ce que dépense le très grand ministère de Jean Louis Borloo pour l’écologie, le développement et l’aménagement durable… Cela se traduit par des reculs très significatifs : en 1996, 84 % des jeunes de 18 ans étaient scolarisés, on est redescendu aujourd’hui en dessous de 80 %. Et à 20 ans la chute est encore plus prononcée, de l’ordre de 6 points… Tandis que 150 000 jeunes sortent toujours du système scolaire sans aucun diplôme. L’école française apparaît aussi dans les comparaisons internationales menées par l’OCDE comme une de celles qui reproduisent le plus les inégalités sociales…

    Est-ce seulement une question d’argent ?

    Ces difficultés ne relèvent évidemment pas seulement de questions de moyens. Les racines du mal sont plus complexes et profondes. Il n’empêche, il n’existe aucune possibilité d’améliorer les choses dans un contexte d’austérité budgétaire accrue. Or, l’école a été la principale cible des politiques de maîtrise des dépenses publiques ces dernières années. En 2010 sur les 30 000 suppressions d’emplois publics programmées par le gouvernement, 16 000, plus de la moitié, sont prévues dans l’Education. Avec des conséquences absurdes comme la réforme de la formation des enseignants. On va les recruter un an plus tard et les envoyer faire cours sans qu’ils aient suivi quasiment aucune formation pédagogique ni stages pratiques. Simplement parce que cela permettra d’économiser quelques milliers de postes…

    Ces aberrations illustrent un contresens total sur la notion d’« investissements d’avenir » régulièrement mise en avant par le gouvernement : il vient en particulier de lancer une (coûteuse) campagne de communication pour justifier le « grand emprunt ». Celui-ci « n’est pas une dépense courante, affirme cette campagne, C’est un programme qui… financera des investissements dans des secteurs d’avenir… ». Mais cette distinction entre « dépenses courantes » et « investissements d’avenir» n’a aucun sens dans des sociétés de la connaissance. L’investissement a cessé en effet de s’y mesurer en tonnes d’acier ou de béton. En s’attaquant en priorité aux dépenses d’éducation, qui sont censées être des dépenses courantes, le gouvernement hypothèque au contraire lourdement l’avenir de notre société et de notre économie.

    Guillaume Duval, rédacteur en chef d'Alternatives Economiques


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  • La conférence de la CITES sur le commerce des espèces sauvages menacées a rejeté jeudi à Doha une proposition de Monaco visant à suspendre les exportations de thon rouge d’Atlantique Est et de Méditerranée.

    La principauté de Monaco avait proposé d’inscrire cette espèce de thon à haute valeur commerciale à l’Annexe I de la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES) afin d’en interdire le commerce international et de protéger cette population victime de surpêche.

    Le Japon, principal consommateur de thunnus thynnus et qui s’y opposait, a été largement suivi par les pays en développement.

    La proposition a donc été rejetée par 68 voix, contre 20 favorables et 30 abstentions.

    La proposition européenne, qui prévoyait un délai d’inscription à l’Annexe I, a également été rejetée par 72 voix contre 43 et 24 abstentions.

    (Source AFP)


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  • Le nucléaire est-il une énergie propre ? Petit rappel:

     


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  • Jean Ferrat, contre l’« industrie culturelle »

    La mort de Jean Ferrat a provoqué une grande émotion en France. Pendant plus de trente ans, ce compositeur-interprète avait fait connaître des poètes, et pas seulement Louis Aragon, à des gens qui ne lisaient pas couramment des recueils de poésie. Il a, avec d’autres, incarné la « chanson à texte ». Et, se battant pour elle, ce sympathisant du Parti communiste fustigeait les ententes entre majors, diffuseurs et distributeurs. Parce qu’elles tendaient à tout niveler, elles allaient, estimait-il, à l’encontre de la défense de l’identité culturelle dont se gargarisaient pourtant les gouvernants successifs.

    Dans un article publié en mai 2004 par Le Monde diplomatique, « Chanson française et diversité culturelle », Jean Ferrat avait mis en évidence de tels « phénomènes de concentration verticale » débouchant sur le « matraquage » des mêmes titres par « une poignée de multinationales des industries culturelles et de la communication ». L’hommage unanime qui lui est rendu aujourd’hui ne doit donc pas faire oublier que Jean Ferrat, longtemps interdit de diffusion à la télévision en raison de son engagement politique, n’a jamais été un artiste consensuel.

    Le Monde Diplomatique 


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  • Tout va bien

    Le chômage officiel a franchi la barre des 10%. Mais n'ayez crainte, braves gens, le CAC 40 a progressé de 46,15 % en un an (Les Echos). Et votre président vous a bien rassurés: " Je sais que dans les semaines et les mois qui viennent vous verrez le chômage reculer dans notre pays." (Canal +, L'édition spéciale)


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